1991

Je m’appelle Maya.  En 1991, j’avais 18 ans.  Je suis née à Repentigny, au Québec.  J’avais des rêves plein la tête… je voulais voyager, trouver l’amour, avoir des enfants…et changer le monde.   J’étais à la veille de m’envoler pour l’Afrique.  J’y avais toujours rêvé.  L’Afrique pour moi, c’était la différence, l’exotisme et l’indépendance qu’on ne peut ressentir que lorsqu’on est à l’autre bout du monde, loin de tous nos repères.  L’Afrique c’était la promesse d’un dépaysement total, la découverte, l’aventure avec un grand « A ».

Le jour de mon départ, mon copain, en fait, mon premier copain, était assis sur le lit de la chambre de mon enfance, pendant que de mon côté, je préparais mes bagages.  Dès le jour 1 de notre relation, il s’était révélé contrôlant.  Il aimait Gilles Proulx et Pierre Goglia.  Il rêvait de devenir journaliste.  Il aspirait à leur ressembler, dans toute leur irrévérence. Chaque matin, il s’assurait que je lise La Presse.  Il me passait même un quizz pour s’assurer du sérieux de ma lecture.  J’acceptais sans broncher, parce qu’il disait m’aimer et aussi parce que c’est tout ce que j’imaginais pouvoir espérer à cet âge.

Je m’étais toujours trouvée trop rondelette.  Je ne correspondais pas du tout à l’image que je me faisais d’une jeune femme séduisante.  J’étais plutôt réservée, maladroite, inexpérimentée.  Je n’avais eu qu’un seul amant; ce copain contrôlant qui n’avait d’ailleurs apporté à l’équation qu’une inexpérience de puceau, aussi désolante que la mienne.

Ce matin-là, alors que mes valises étaient complétées, je glissai, dans un petit sac zip bloc, un rouge à lèvre, un cache-cerne et un mascara.  Alors que je l’insérais dans une pochette latérale de mon sac à dos, le copain contrôlant me demanda de l’y retirer.  Est-ce que j’avais l’intention de me faire belle pour en séduire un autre, me demandait-il.  Je fis mine de retirer le petit sac comme il me le demandait, mais je le cachai discrètement dans la poche de mon pantalon.  Une fois dans la voiture,  je l’y replaçai à sa place initiale, dans le sac à dos qui allait me suivre jusqu’en Afrique, là où j’allais rencontrer l’amour, le grand, le seul, celui qui vous change à jamais!